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Humanisme/Coronavirus/Environnement

Saisi dans France Culture

Par Véronique Rebeyrotte : Entretien avec Dominique Bourg 30 mars 2020

Dominique Bourg : « ... ce qui nous arrive n’est pas sans lien avec la destruction des écosystèmes Nous aurions tout intérêt à y voir un ultime avertissement de la nature »

Pour le philosophe, la crise sanitaire provoquée par le coronavirus sera temporaire mais la crise climatique en cours sera bien plus grave car irréversible.

Il y a tous ceux qui ont tiré la sonnette d’alarme depuis des années. Leur discours : nos sociétés sont condamnées à court terme, la planète est épuisée, le système économique à genoux bercée par l’illusion "d’une croissance infinie dans un monde fini". Pourtant, les alertes scientifiques, notamment sur la crise climatique en cours, n’ont pas rencontré d’écho auprès des décideurs. La crise sanitaire du coronavirus sera-t-elle l’occasion de rebattre les cartes ? Les prises de parole en ce sens se multiplient.

Professeur émérite à l’institut de Géographie et de Durabilité à l’Université de Lausanne, ancien président du conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot tête de liste "Urgence écologie" aux élections européennes de 2019, Dominique Bourg évoque à son tour "le jour d’après". Sans trop d’illusion.

Tout d’abord, êtes-vous surpris par l’ampleur de ce choc sanitaire lié au coronavirus qui se transforme en crise mondiale ?

Entre une chose que l’on peut penser, craindre et sa réalisation, cela n’a rien à voir. Notre manière de comprendre change du tout au tout quand on passe d’une hypothèse abstraite à une réalité. Je vous donne un simple exemple. En début d’année, un scientifique du climat me disait : "Moi-même, je suis un modélisateur, j’ai fait ça toute ma vie. Eh bien, depuis l’été 2018, je ne regarde plus mes modèles de la même manière. Parce qu’on est passé de modèle abstrait à une réalité que je ressens dans mon propre corps." C’est très important et je pense que la leçon vaut pour tout le monde. Effectivement, entre dire "il y a un risque, ça peut nous arriver" et le vivre, très sincèrement, cela n’a pas grand-chose à voir.

Certains ont alerté sur l’extension incessante des activités humaines prédatrices des écosystèmes qui favorise les pandémies, elles-mêmes nourries par une mondialisation effrénée…

C’est ce que l’on dit depuis trente ans. Il y a une relation totalement destructive et profitant à un tout petit nombre d’individus sur Terre des écosystèmes, du système Terre en général. Une attitude totalement destructive. Avec une pure logique de marché, une pure logique de court terme en pensant qu’il n’y a pas de société mais que des individus.

On se retrouve cette fois-ci démunis face à la mort. Et la mort avec le Covid-19 n’est pas très drôle. C’est une mort horrible. On ne le dit pas mais c’est une mort épouvantable. Ce qui se passe est quelque chose d’assez extraordinaire et j’espère bien qu’on ne va pas revenir à l’état d’avant.

"On peut lire ce qui nous arrive comme une forme d’avertissement"

Quand Nicolas Hulot, ex-ministre de l’Ecologie que vous connaissez bien, parle d'"une sorte d'ultimatum de la nature et d’humanité confrontée à ses limites", vous souscrivez ?

Oui, même si la nature n’est pas la seule à nous avertir. Mais ce qu’il veut dire est très clair : effectivement, nous autres humains aurions tout intérêt à voir dans ce qui nous arrive un ultime avertissement de la nature. Parce que ce qui nous arrive n’est pas sans lien avec la destruction des écosystèmes et cette destruction va nous conduire à une planète inhabitable. Quand on est confronté au coronavirus, c’est déjà extrêmement difficile mais la dégradation continue du climat, le fait qu’il y a aura des zones entières sur Terre qui ne seront plus habitables à cause de la montée des températures et du taux élevé d’humidité de l’air, les 2 conjugués. C’est carrément toute la zone tropicale, et même au-delà, qui à 4 degrés de plus (et on sera à 2 degrés de plus en 2040) sera mortelle pour ses habitants plusieurs semaines par an. C’est autre chose que le coronavirus. Je vous rappelle que les dernières récoltes de sorgho, de coton et de blé en Australie ont été réduites de 66%. C’est ça le changement climatique. Et on pourrait parler des méga feux en Australie aussi.

"La crise climatique ne sera elle pas réversible"

Nicolas Hulot a mille fois raison : on peut lire ce qui nous arrive comme une forme d’avertissement. Le défi est de trouver une vitesse de croisière qui nous permette à terme d’avoir des émissions de gaz à effet de serre réduites. Et le problème avant cela, c’est la descente radicale et rapide avec laquelle on devrait procéder. Que ce soit le rapport du GIEC daté d’octobre 2018 ou le rapport 2019 de l’ONU, les deux disent la même chose : si on veut éviter d’exploser les 2 degrés d’ici la fin du siècle, cela signifie que l’on doit dans les dix ans réduire nos émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale de plus de 50%. D’ici 2030 !

Avec le coronavirus, on vit une crise sanitaire mondiale dont on ne sait pas si elle fera des dizaines ou des centaines de milliers de victimes. Ce qui est gigantesque en quelques mois et gravissime. Mais ça, c’est un moment. Avec le réchauffement climatique et l’effondrement des écosystèmes, ça va ensemble, c’est une dégradation au très long cours, sans qu’il y ait de réversibilité, sans qu’on puisse imaginer de sortie. Alors que l’on sortira un jour de la crise de coronavirus.

Interrogé par une consoeur de France Culture, l’économiste et écrivain Jacques Attali fait le constat suivant : "L’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur". La crise sanitaire que nous traversons, la peur qu’elle suscite nous fera-t-elle fatalement évoluer vers une société plus résiliente ?

Il y a peur et peur. Evidemment, nous autres humains, on ne bouge pas si on n’a pas des émotions et la peur est une des émotions qui nous fait bouger. Mais attention, quand la peur se transforme en panique, cela peut nous figer ou alors on prend des décisions qui sont des décisions absurdes. Mais là on peut espérer - mais vous savez l’humanité est bizarre - que, pas simplement la peur mais la peur d’un côté et l’expérience d’un changement radical du quotidien de l’autre avec le coronavirus, c’est quelque chose qui devrait plutôt être un moteur pour nous amener enfin à concevoir la nécessité de devoir changer sur la longue durée nos comportements.

"S’attaquer à la crise climatique, c’est s’attaquer à du structurel et c’est une autre affaire"

D’autant que cet épisode du coronavirus montre que l’on peut prendre des mesures urgentes, très radicales et coûteuses aussi pour s’adapter à un danger qui nous menace. Pourquoi ne serait-ce pas possible face à l’urgence climatique ?

Parce que l’on s’attaque à du structurel. Trouver un nouvel équilibre de nos sociétés n’est pas une mince affaire. C’est toute la difficulté de ce qui est devant nous. C’est vraiment un changement de civilisation que l’on doit conduire de façon rapide, consciente et volontaire.

Les citoyens y sont-ils prêts selon vous ?

Absolument. Plusieurs sondages récents disent en gros qu’une majorité de la population française a déjà réalisé une sorte de bascule culturelle. Je dis bien seulement culturelle. Cela n’amène pas forcément les gens à changer leur comportement, ni même, c’est le plus facile, leur bulletin de vote. Mais en tout cas, ils ont compris que le monde consumériste sans limites était fini et que quelque chose comme une sobriété allait s’imposer. C’est quand même déjà très intéressant.

Je pense donc qu’il y a une espèce de pédagogie de fond qui a connu un coup d’accélérateur extrêmement important avec l’été 2018, parce que c’est la première fois qu’on a vraiment senti en Europe ce qu’était le réchauffement climatique. La démission de Nicolas Hulot a dû jouer aussi son rôle. Voilà. Un mouvement est parti, une bascule des esprits qui est en cours et puis arrive évidemment cet événement gigantesque qui est ce coronavirus à l’échelle mondiale

"Il va falloir se battre contre la tentation des politiques …de ne rien changer"

Qu’est-ce qui peut l’emporter entre des promesses de changement de modèle à l’avenir évoquées en France par Emmanuel Macron et "un énième sauvetage", disent les écologistes, du système économique actuel ? Avec actuellement dans le monde, des pays comme la Pologne, qui demandent déjà à remettre à plus tard les efforts à mener dans la lutte contre la crise climatique.

L’attitude de la Pologne ou de certaines multinationale sont intolérables, insupportables. Et là, il va falloir se battre. Dès maintenant et à la sortie de la crise du coronavirus. On sait que l’imaginaire des néo-libéraux est restreint, limité ! Ce sont les gagnants du système et ils n’ont aucune envie d’en changer. Les grands pétroliers, tous les grands acteurs économiques ne veulent pas changer. Et le gouvernement actuel a mené cette politique néo-libérale avec un certain talent depuis plus de deux ans. En détricotant les services publics avec une hypocrisie fondamentale sur la biodiversité et le climat. On a pu voir que rien n’avait bougé après la crise financière de 2008 et les promesses de Nicolas Sarkozy. Il n’y pas de raison de penser que ce qui existe déjà ne va pas être reproduit mais simplement ils vont devoir le faire dans un contexte très différent. Le coronavirus n’est pas la crise financière. La crise financière de 2008 a eu un impact économique non négligeable et un impact démocratique puisqu’elle a beaucoup contribué ensuite à la montée des populismes. Mais il s'agit là d'une crise de l’économie réelle. Le monde réel est affecté. Et si cette crise se prolonge dans un pays démuni face à l'événement, comme l’est la France, le pays ne sera plus seulement démuni mais ruiné.

Assiste-t-on à une réhabilitation de la parole scientifique avec cette crise du coronavirus ?

Déjà, le mépris affiché jusque là vis-à-vis des scientifiques vient des politiques et des économistes. Quand vous voyez que dans les articles des grandes revues d’économie néo-classique, il y en avait 0,07% qui concernent l’environnement, vous comprenez qu’il y a un petit problème. Et ces revues constituent la source d’inspiration de nos politiques.

En revanche, regardez la jeunesse, la grève des jeunes pour le climat, le mouvement "Extinction Rebellion", etc., beaucoup mettent en avant nos connaissances scientifiques notamment sur le climat.

Mais attention : les scientifiques interviennent sur le diagnostic mais beaucoup moins sur les solutions. Il y a une différence entre diagnostic et prise de décision. Avec le coronavirus, on a une interaction entre politiques et sciences qui est très différente de celle qui se passe quand on parle de climat.

"Vite, redonner des moyens aux services publics"

Quels changements appelez-vous de vos vœux à l’avenir dans le sens d’une société plus résiliente face aux crises ?

Je reste philosophe et comme le dit Hegel "Ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette de Minerve (déesse de la sagesse dans la mythologie romaine dont le symbole est la chouette) prend son envol". Nous ne sommes donc pas sortis de cette affaire. Et là, on produit des analyses à chaud. Il faudra produire des analyses à froid et avec distance. Une analyse à chaud est toujours pleine de risques.

En tout cas, cet événement et la façon dont on y fait face montrent et mettent vraiment en évidence l’absence et l’impuissance de l’Etat. De façon très claire. Ce ne sont pas les soignants qui diront le contraire. Quand on a à faire à une crise de cette ampleur là, les pouvoirs publics deviennent un agent décisif car le marché par définition ne va pas vous mettre de côté un milliard et demi de masques comme cela a été fait pour la crise du H1N1 par Roselyne Bachelot. Seul un Etat peut anticiper, veiller, garantir. Il doit être plus vigilant, voir plus loin, avoir un mode de raisonnement qui ne soit pas enfermé dans l’actualité mais qui tienne compte des crises précédentes et à venir. C’est le rôle de l’Etat pour assurer la sécurité de ses citoyens. Et le paramètre "santé" est le paramètre fondamental. On voit le résultat des politiques néo-libérales qui ont détruit plus de 17 000 lits d’hôpitaux, anéanti les réserves de masques et qui ont tout renvoyé à des agences locales. Tout cela dans un esprit "tchatchérien" ridicule, cinquante ans après. Faut vraiment être "con" passez-moi l’expression.

 

Courrier international

ANFIBIA Buenos Aires

[Ce magazine numérique lancé en mai 2012 publie des reportages au long cours. “Amphibie” a été fondé par l’Universidad nacional de San Martín, avec le soutien de la fondation Nuevo Periodismo Iberoamericano, créée à l’initiative du romancier Gabriel García Márquez. ]

La destruction des écosystèmes par l'humain favorise l'émergence d'épidémies

Les scientifiques “chasseurs de virus” alertent depuis plus de dix ans sur l’apparition de nouvelles maladies liées à la déforestation. Paludisme, Ebola, Covid-19…. l’agression humaine aux écosystèmes finit par mettre en péril des vies humaines.

L'apparition de ces étonnants agents pathogènes nouveaux, comme le coronavirus responsable du Covid-19, n’est rien d’autre que le résultat de l’anéantissement des écosystèmes, dont souffrent en particulier les zones tropicales, où ils sont détruits pour faire place à des monocultures intensives industrielles. L’émergence de ces maladies découle aussi de la manipulation et du trafic de la faune et de la flore sylvestres, souvent menacées d’extinction.

Il y a une dizaine d’années déjà que les scientifiques étudient les liens entre l’explosion des maladies virales et la déforestation.

Ce n’est pas quand un bulldozer écrase tout sur son passage sur une montagne grouillante de vie que le phénomène est visible : c’est quand apparaissent chez les individus des symptômes étranges et des maux jusque-là inconnus.

De nouveaux foyers d’épidémies

Le constat est établi dans de nombreux pays, de l’Asie du Sud-Est jusqu’à l’Amérique latine, avec des spécificités, des difficultés et des dynamiques propres à chacun. Cependant, il s’agit au fond partout de la même chose : d’une conception extractiviste du monde vivant, qui conduit l’humanité à mettre en péril sa propre existence. Et contre cela, aucune solution hydroalcoolique ne peut rien.

Carlos Zambrana-Torrelio est un chercheur bolivien et le vice-président d’EcoHealth Alliance, une organisation spécialisée dans l’étude des relations entre environnement et pathologies émergentes, dont le siège est à New York. Il sillonne les zones sensibles de la planète et travaille sur leurs relations entre elles, et avec leur écosystème.

Les zoonoses, ces maladies transmissibles de l’animal à l’homme, ont toujours existé partout dans le monde, sans toutefois prendre systématiquement une ampleur internationale – elles sont généralement contenues, ou ne trouvent pas les conditions nécessaires pour se propager.

Ainsi en juin dernier, un nouveau foyer épidémique a été identifié en Bolivie, causé par le virus Chapare [du nom d’une province de la région de Cochabamba, au cœur du pays].

L’amputation des forêts tropicales en cause

Ce dernier avait été identifié pour la première fois en 2003 dans la région de Cochabamba, une zone déboisée au profit de rizières où la récolte se fait, en règle générale, manuellement – les paysans qui en vivent habitent donc à proximité des plantations.

Or voilà que, seize ans plus tard, est arrivé dans des services d’urgence de la région de La Paz [à plus de 300 kilomètres] un homme présentant des symptômes que les médecins n’ont pas identifiés immédiatement. Nul ne sait comment le virus qu’il avait contracté a voyagé depuis les rizières tropicales jusqu’aux altitudes andines.

Carlos Zambrana-Torrelio travaille en Afrique, en particulier au Liberia et en Sierra Leone, où l’épidémie d’Ebola a surpris tout le monde par sa virulence.

Là-bas aussi, c’est la fragmentation de la forêt tropicale qui fut la première cause de la maladie : le déboisement a en effet poussé plusieurs espèces de chauves-souris à se rassembler, en groupes serrés, sur les rares arbres encore sur pied. Cette réunion d’espèces différentes, qui dans l’environnement habituel n’interagissent pas, a fait office de bouillon de culture [les chauves-souris sont soupçonnées d’être l’un des réservoirs du virus Ebola].

Carlos Zambrana-Torrelio insiste :

Tout commence par la déforestation. À Bornéo, la fragmentation du couvert forestier est en train de provoquer une recrudescence du paludisme. L’explication ? Dans des espaces ouverts, il y a de plus grands trous dans lesquels s’accumule l’eau où se reproduisent les moustiques. Ceux-ci vont transmettre le parasite [donnant la malaria] aux hommes qui, à proximité, exploitent les palmiers à huile.”

Si les maladies zoonotiques ne sont donc pas nouvelles, elles sont manifestement en augmentation. David Quammen en étudie les raisons dans son ouvrage Spillover : Animal Infections and the Next Human Pandemic [“Tache d’huile : les infections chez l’animal et la pandémie humaine à venir”, non traduit].

Le scénario de la vengeance

Une humanité innombrable, cohabitant avec des bétails extrêmement nombreux, ajoutée à la destruction des habitats naturels et à des écosystèmes bouleversés : selon lui, tous les ingrédients sont réunis pour un scénario façon vengeance de dame Nature.

Dans un reportage de la National Public Radio, aux États-Unis, Quammen précise que nous, les êtres humains, sommes le point commun à toutes les zoonoses :

Nous avons tellement proliféré et nous perturbons tant la planète… Nous rasons les forêts tropicales. Nous dévorons la vie forestière. Quand on entre dans une forêt, il suffit de secouer un arbre pour que tombent les virus – au sens propre comme au sens figuré.”

Les écosystèmes sont des entrelacs complexes, dont nous comprenons partiellement les relations évolutives grâce à de patientes observations scientifiques. Leur destruction au nom du progrès ou simplement de la cupidité a des côtés obscurs que nous finissons par subir dans notre chair.

Des virus en évolution

Quand, par exemple, Jair Bolsonaro s’enorgueillit de la souveraineté brésilienne sur les cendres de l’Amazonie, il n’y a plus qu’à attendre que la maladie s’abatte sur cette forêt transformée en zone d’agriculture et d’élevage. En témoigne une étude publiée en 2010 dans la revue scientifique Emerging Infectious Diseases : la destruction de 4 % de la forêt a entraîné une hausse de 50 % des cas de paludisme.

Les espèces sauvages ne sont pas malades des virus dont elles sont porteuses, car elles ont évolué avec eux pendant des milliers d’années.

“Tout animal peut être porteur d’une cinquantaine de virus différents. Ça fait partie de la dynamique du système. S’il n’y avait pas d’êtres humains, il n’y aurait pas de transmission”, affirme Carlos Zambrana-Torrelio.

Fidel Baschetto, vétérinaire et professeur à l’université de Córdoba, en Argentine, renchérit : “Les virus qui sont nouveaux pour nous ne le sont pas pour la nature. Il s’agit donc de déterminer si on parle d’une maladie émergente, ou d’une maladie émergente pour l’homme. De nombreux virus ont coévolué avec certaines espèces et ces dernières ne souffrent pas de la maladie. L’agent pathogène sait que quand il pénètre dans un nouvel organisme, il ne doit pas le rendre malade ou du moins il ne doit pas le faire succomber. Car la mort de l’hôte – celui que nous appelons patient – entraîne aussi la mort de l’agent pathogène. Aucun micro-organisme n’a pour objectif la mort de son hôte. Mais avant que ce micro-organisme n’évolue, ce qui peut prendre des milliers d’années, la cohabitation produit la maladie”, ajoute le scientifique argentin.

La désastreuse mutilation de la nature par l’homme

Il ne faut pas en vouloir aux chauves-souris, moustiques, souris ou pangolins. Non, le problème vient de ce que nous faisons à leurs écosystèmes, il est lié au fait que nous les regroupons et les manipulons dans des milieux artificiels.

Telle est la véritable recette du coronavirus, qui sera probablement à l’origine d’une récession mondiale. Autrement dit, mutiler les écosystèmes coûte très cher.

La transmission à l’humain du coronavirus s’est produite sur un marché à Wuhan, une ville chinoise, où sont vendues des espèces sauvages braconnées.

Le commerce illégal de ces animaux emprunte les mêmes routes que le trafic de drogues et d’armes, et il pèse des milliards de dollars. Les consommateurs de cette viande vivaient autrefois dans les campagnes et ont migré en ville : aujourd’hui, au lieu de chasser, ils se fournissent sur les marchés pour tenter de retrouver le goût de leur enfance.

Protégeons les écosystèmes : il y va de notre survie

Dans le cas du Sras (syndrome respiratoire aigu sévère), qui a aussi franchi la barrière des espèces dans l’un de ces marchés de produits frais, les excréments des chauves-souris ont notamment permis au virus de faire son chemin au point de devenir une épidémie, qui a touché 8 000 personnes en 2003.

Ne croyons pas que ce type de phénomène n’a lieu qu’en Chine, où le gouvernement a interdit la vente de ces produits, déplaçant probablement leur commercialisation vers le marché clandestin.

En Argentine, “nombreux sont ceux qui consomment des espèces sauvages (poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères) sans savoir si cette habitude risque d’entraîner la transmission de parasites ou d’autres maladies, les conditions d’hygiène dans la consommation d’espèces sauvages restant très aléatoires”, affirme Claudio Bertonatti, conseiller scientifique de la Fondation Félix de Azara. De nouveaux foyers d’infection peuvent donc aussi apparaître de cette façon.

La protection des écosystèmes ne relève pas seulement du prêchi-prêcha écologique, elle concerne notre survie. Si la Terre est malade, alors nous le sommes aussi. “Nous devons arrêter de penser que nous, les êtres humains, sommes un élément indépendant du système, résume Carlos Zambrana-Torrelio. Car nous en déduisons, à tort, que nous pouvons transformer, détruire et modifier l’environnement à notre convenance. Tout changement que nous imposons à la planète aura une répercussion sur notre santé.” Nous sommes tous dans le même bateau. Notre destinée est commune, avec ou sans masque.

Marina Aizen

Brésil.

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