Small is beautiful" nouveau slogan de l'art contemporain ? France Culture Le 28/04/2020 « Small is beautiful » vous souvenez-vous de ce slogan ? On le doit à l’économiste britannique Ernst Friedrich Schumacher et à son célèbre ouvrage paru pendant le choc pétrolier de 1973. En ces temps de « choc », les thèmes abordés par Schumacher sont parmi ceux qui sont régulièrement convoqués lorsqu’il s’agit de dresser le portrait-robot de ce monde « d’après ». Vous savez, celui qui aurait tiré les leçons de la crise du coronavirus. L’importance de l’échelle humaine, une forme de re-localisation, la prise en compte de l’intégrité environnementale et sociale dans les décisions commerciales : autant de concepts qui s’appliquent aussi au monde de la culture d’après. Passage à l’échelle réduite Ce retour de Schumacher et de son « Small is beautiful » confirme si nous en doutions que dans le temps présent nous n’assistons pas encore à l’apparition d’idées véritablement « nouvelles ». En revanche, des diagnostics largement pressentis et des changements déjà en cours semblent gagner en pertinence. Pour ne pas dire en évidence.
Concernant l’art contemporain par exemple, une mutation toute « schumacherienne » pourrait bien prendre forme : la réduction d’échelle. Voilà ma théorie.
Les acteurs du secteur sont assez unanimes, notamment la kyrielle de galeristes interrogés pour une grande enquête du Monde : il y avait bien trop de foires d’art contemporain. Une surenchère dans le nombre d’évènements mais aussi au sein des évènements en eux-mêmes ; avec une profusion de visiteurs rendant les œuvres invisibles, et une compétition de taille de stands à celui ou celle qui aurait le plus gros. Comme le note le galeriste Kamel Mennour : « nous faisions partie d’un parcours déraisonné où chaque galerie de taille importante se devait d’investir toujours plus de territoires dans l’espoir de rallier plus de collectionneurs. Aujourd’hui, face à l’arrêt brutal de la moitié de la planète, force et de se dire que nous avions tout faux » dit-il.
Redonner une place de taille aux galeries d’art
L’échelle de la galerie reprendrait donc sa place, la foire venant en complément de son action et non l’inverse. Cela dit, faut-il le rappeler, cette échelle est précisément menacée par la crise qui pourrait laisser sur le carreau un tiers des galeries françaises dans l’année à venir selon l’étude réalisée par le Comité professionnel des galeries d’art. Il rappelle également qu’aujourd’hui « 92 % des artistes vivants et vivantes dépendent directement des revenus des ventes en galeries ».
Il faudra donc se donner les moyens de soutenir ce retour à l’échelle de la galerie pour arriver à cette fin. Penser aussi la complémentarité entre le physique et le virtuel. Au fond, la thèse de Schumacher « Small is beautiful » que j’évoquais tout à l’heure, cesse d’être uniquement un slogan, mais accompagne une réflexion profonde et hybride.
Profonde car elle retrouve l’essence de sa théorie à savoir réduire « l’excès d’attention accordé aux moyens par rapport aux fins ». Et hybride car elle prend en compte les mutations actuelles.
Pour le dire plus prosaïquement, dans l’art contemporain d’après ce ne sera peut-être plus la taille qui compte.
par Mathilde Serrell
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